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Biais d'impact

« Lorsque nous réfléchissons à la façon dont nous réagirons à des événements futurs, nous avons tendance à surestimer l’intensité et la durée des émotions que nous ressentirons. »

Définition

Nous essayons constamment de prédire le futur, car ces prédictions servent à guider notre comportement. Certaines prédictions appelées « prévisions affectives » concernent la façon dont nous nous sentirons lors d’événements futurs. Comme toutes les prédictions, les prévisions affectives impliquent des erreurs. L’erreur la plus commune est appelée « biais d’impact ». Il s’agit de la tendance qu’ont les individus à surestimer l’impact qu’auront certains événements à venir sur leur expérience émotionnelle [1]. Le terme « impact » réfère à la fois à l’intensité et à la durée de l’expérience émotionnelle anticipée. Lorsque l’on anticipe un événement heureux, comme une retraite ou la naissance d’un enfant, on s’attend à être plus heureux-se et pour plus longtemps que ce qui est normalement le cas. De la même façon, nous avons tendance à surestimer l’intensité et la durée des émotions négatives lorsque nous pensons à des événements négatifs, tels qu’un diagnostic de VIH, être insulté-es par un-e collègue ou encore divorcer. Cet effet a été démontré en contexte de laboratoire à travers des minutes et des heures, et en milieu naturel au cours de mois et d’années.

Exemple

Lorsque des étudiant-es universitaires pensent au niveau de bonheur qu’ils/elles ressentiront en obtenant leur diplôme, ils/elles tendent à faire preuve du biais d’impact. C’est-à-dire qu’ils/elles ont tendance à penser qu’ils/elles seront plus heureux-se au moment de graduer (intensité) et que ce bonheur durera des semaines, voire des mois (durée). En réalité, l’expérience de graduation est rarement à la hauteur des attentes des étudiant-es – le niveau de bonheur vécu est souvent modéré et éphémère. Le biais d’impact influence donc la perception que les étudiant-es ont du bonheur potentiellement vécu lors de leur graduation future.

Explication

Les chercheur-es ont identifié deux sources possibles de ce biais : les heuristiques et la motivation. D’abord, lorsque nous pensons au futur, nous avons tendance à utiliser des heuristiques qui mènent à des prédictions imparfaites. Par exemple, les gens ont tendance à se concentrer plus sur les aspects qui sont uniques à certains événements futurs, et moins sur les aspects que ces événements partagent avec d’autres événements futurs. Lorsque nous pensons à la façon dont on se sentirait en obtenant une promotion longtemps convoitée au travail, nous avons tendance à nous concentrer sur les éléments uniques à cet événement (hausse de salaire, nouveau bureau) et moins sur les éléments que cet événement a en commun avec d’autres événements, comme ne pas recevoir de promotion (même moyen de transport quotidien, mêmes collègues). Cette heuristique, appelée « l’effet d’isolation », n’est que l’une des nombreuses heuristiques qui influencent l’exactitude de nos prédictions [1]. Cette focalisation sur les aspects uniques des événements futurs augmente les chances que le biais d’impact se produise, car les représentations mentales faites à propos des événements futurs ne sont pas représentatives des événements réels.


Plus récemment, certain-es chercheur-es ont suggéré que la source du biais d’impact pourrait être d’origine motivationnelle [3]. Lorsqu’une personne attend un événement avec impatience (ex. une graduation), les attentes excessives envers la façon dont elle se sentira lors de cet événement pourraient la motiver à redoubler d’efforts pour faire de cet événement une réalité (ex. étudier plus fort). De la même façon, anticiper des événements négatifs (ex. un congédiement) pourrait faciliter des comportements qui diminueraient les chances que cet événement se produise (ex. travailler plus fort). Ainsi, l’origine du biais d’impact s’expliquerait en partie par des fondements motivationnels – comme moyen de faciliter la poursuite des objectifs.

Conséquences

Les conséquences du biais d’impact sont claires : les individus ont tendance à surestimer leur réaction émotionnelle à des événements à venir. Cependant, il est difficile de savoir s’il serait préférable de ne pas avoir ce biais. Même si les attentes à propos de futures émotions ne sont pas tout à fait exactes, ce biais facilite les comportements dirigés vers les buts, rendant l’atteinte de ces derniers (et l’évitement de conséquences négatives) plus accessible.

Pistes de réflexion pour agir à la lumière de ce biais

  • Demander aux autres comment ils/elles pensent que nous nous sentirons. Adopter une perspective externe peut donner une vision plus objective des réactions émotives en lien avec des événements à venir.

  • Tenter d’améliorer la précision de nos scénarios imaginés pourrait réduire l’effet de certaines erreurs cognitives (ex. mettre plus d’efforts à imaginer le scénario).

  • Pratiquer la gratitude permet de rapprocher les expériences réelles des expériences prédites en nous permettant d’apprécier plus amplement ce que nous possédons dans le présent.

Comment mesure-t-on ce biais?

Traditionnellement, le biais d’impact a été observé en mesurant les réactions émotionnelles, prédites puis réelles, à certains événements. Par exemple, des chercheur-es ont demandé à des étudiant-es universitaires de première année quel serait leur niveau de bonheur dans un an s’ils/elles avaient la chance de vivre dans une résidence universitaire, certaines résidences étant considérées comme plus désirables que d’autres [2]. Sans surprise, les étudiant-es prédisaient être plus heureux-ses s’ils/elles se voyaient assigné-es à une résidence plus désirable. Cependant, un an plus tard, les chercheur-es n’ont trouvé aucune différence significative dans le niveau de bonheur entre les étudiant-es vivant dans une résidence désirable et ceux et celles vivant dans une résidence indésirable. Ici, le biais d’impact a poussé les étudiant-es à surestimer l’influence qu’aurait le fait de vivre dans une certaine résidence sur leur niveau de bonheur à l’université. Sans le biais d’impact, on peut s’attendre à ce que les prédictions des étudiant-es soient plus fidèles à la réalité.

Ce biais est discuté dans la littérature scientifique :

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Ce biais a des répercussions au niveau individuel ou social :

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Ce biais est démontré scientifiquement :

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Références

[1] Wilson, Timothy D. & Daniel T. Gilbert (2003). Affective forecasting. In M. P. Zanna (Ed.), Advances in experimental social psychology (Vol. 35). San Diego, CA: Academic Press.


[2] Dunn, Elizabeth, Timothy D. Wilson & Daniel T. Gilbert (2003). Location, location, location: The misprediction of satisfaction in housing lotteries. Personality and Social Psychology Bulletin, 29(11), 1421-1432.


[3] Morewedge, Carey K. & Eva C. Buechel (2013). Motivated underpinnings of the impact bias in affective forecasts. Emotion, 13(6), 1023-1029.

Tags

Niveau individuel, Heuristique émotionnelle, Besoin de fermeture cognitive

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Auteur-e

Myles Maillet est candidat au doctorat en psychologie sociale à l’Université de Victoria. Il est également consultant en statistiques, analyste et chargé de cours à l’Université de Victoria et à l’Université de l’île de Vancouver. Ses recherches portent sur la motivation, l’autorégulation, et pourquoi il peut s’avérer difficile de gérer les tentations et défis liés à l’atteinte de nos buts.

Traduit de l’anglais au français par Sarah Maillé.

Comment citer cette entrée

Maillet, M. (2020). Biais d’impact, trad. S. Maillé. Dans C. Gratton, E. Gagnon-St-Pierre, & E. Muszynski (Eds). Raccourcis : Guide pratique des biais cognitifs Vol. 1. En ligne : www.shortcogs.com

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