Biais de désirabilité sociale
« Pour bien paraître aux yeux de ces personnes, je vais dire ce qu’elles souhaitent entendre au lieu de ce que je pense vraiment. »
Définition
Le biais de désirabilité sociale se définit comme la tendance à se présenter de façon favorable devant d’autres individus en fonction de certaines normes sociales établies. En d’autres mots, c’est la tendance qu’ont les personnes à vouloir paraître plus altruistes et avenantes envers les individus et la société qu’elles ne le sont en réalité [1, 2, 3]. Ceci représente un défi dans un contexte de recherche scientifique, car ce biais se manifeste par la tendance d’un individu à ne pas répondre sincèrement aux questions d’une étude, et ce, tant pour se présenter sous un jour plus favorable pour lui-même que pour les autres [4].
Exemple
Pour illustrer ce biais, prenons l’exemple d’une personne participant à un sondage sur l’immigration. Advenant le cas, par exemple, que cette personne ait des croyances stéréotypées, voire négatives, envers les individus immigrants; elle aura tendance à dissimuler davantage ses vraies opinions en répondant aux questions qu’on lui pose, car elle voudra se voir - et être perçue - comme une personne plus morale et altruiste qu’elle ne l’est en réalité, donc plus en conformité avec les normes politiquement correctes établies par la société.
Explication
Le biais de désirabilité sociale représente une distorsion de l’information qui peut prendre deux formes. D’une part, il peut s’apparenter à une forme d’auto-illusion, où la personne ne communique pas des informations totalement véridiques à son sujet, mais où elle est convaincue que ces dernières sont vraies. Le but de ce processus est de conserver une image positive de soi et de rehausser son estime de soi. D’autre part, ce biais peut également être mis en place dans une démarche de gestion des impressions, où la personne modifie sciemment ses réponses et ses actions dans le but de paraître comme une meilleure personne aux yeux des autres individus [4, 5]. Il est important de noter qu’il est également possible que le processus de gestion des impressions soit mis en place par un individu dans le but de contrôler la manière dont les autres le perçoivent afin de, par exemple, rehausser son image publique ou atteindre les buts fixés [6]. Ainsi, la gestion des impressions n’est pas strictement un biais cognitif, bien qu’elle y soit liée.
Conséquences
Le biais de désirabilité sociale est souvent observé en contexte de recherche scientifique et d’employabilité, mais il peut aussi apparaître dans d’autres circonstances. Concernant les entrevues pour un emploi, les postulant-es vont souvent tenter de paraître mieux qualifié-es pour l’emploi qu’ils et elles ne le sont en réalité, notamment dans un effort de gestion des impressions. Dans un cadre de recherche scientifique, les réponses issues de questionnaires auto-rapportés, c’est-à-dire où les participant-es répondent eux-mêmes aux questions, sont celles présentant le plus de biais de désirabilité sociale et plusieurs chercheur-es suggèrent d’utiliser en parallèle d’autres méthodes de collecte de données, telle que l’observation directe des participant-es par les chercheur-es [4]. La conséquence la plus frappante de ce biais est de ne pas réussir à percer les réelles intentions, pensées, sentiments et actions des individus interviewés.
Pistes de réflexion pour agir à la lumière de ce biais
Anticiper cette réalité dans les résultats des études scientifiques.
Mettre la personne à l’aise au début de l’étude/entretien/sondage d’emploi et lui faire comprendre qu’elle se trouve dans un environnement exempt de jugement.
Prendre conscience de notre désir de vouloir bien paraître.
Comment mesure-t-on ce biais?
De manière générale, il peut être assez difficile de détecter directement le biais de désirabilité sociale. Toutefois, il est possible de le faire pour des questionnaires auto-rapportés en mettant l’accent sur l’anonymat des données, ainsi qu’en mesurant le biais de désirabilité sociale pour contrôler son influence sur les données de manière statistique [7]. Plusieurs échelles ont été créées à cet effet au cours des 60 dernières années, et la plus récente est la Social Desirability Measure composée de 6 items [7, 8]. Le but de cette échelle est de mesurer les deux aspects d’une réponse socialement désirable chez une personne, c’est-à-dire l’exagération de ses qualités positives et la minimisation de ses caractéristiques négatives. Plus une personne obtient un score élevé à cette échelle, plus il est possible qu’elle ait tendance à créer des distorsions dans ses réponses dans le questionnaire auto-rapporté [7].
Ce biais est discuté dans la littérature scientifique :
Ce biais a des répercussions au niveau individuel ou social :
Ce biais est démontré scientifiquement :
Références
[1] Chung, Janne & Gary S. Monroe (2003). Exploring social desirability bias. Journal of Business Ethics, 44 (4), 291-302.
[2] Vallerand, Robert J. (2006). Les attributions: déterminants et conséquences. Dans Robert. J. Vallerand (Dir.) : Les fondements de la psychologie sociale (2e édition), 182-234.
[3] Zerbe, Wilfred J. & Delroy L. Paulhus (1987). Socially Desirable Responding in Organizational Behavior: A Reconception. Academy of Management. The Academy of Management Review, 12(2), 250-264.
[4] Wasylkiw, Louise (2007). Social Desirability Bias. Dans Roy. F. Baumeister et Kathleen. D. Vohs (Dir.), Encyclopedia of social psychology. Thousand Oaks, California: Sage Publications. http://dx.doi.org.proxy.bibliotheques.uqam.ca/10.4135/9781412956253
[5] Paulhus, Delroy L. & Douglas B. Reid (1991). Enhancement and denial in socially desirable responding. Journal of Personality and Social Psychology, 60, 307-317. http://dx.doi.org/10.1037/0022-3514.60.2.307
[6] Leary, Mark R. (2001). Psychology of Impression Management. Dans Neil J. Smelser et Paul B. Baltes (Dir.), International Encyclopedia of the Social & Behavioral Sciences. Oxford : Pergamon Press. https://doi.org/10.1016/B0-08-043076-7/01727-7
[7] Nießen, Désirée, Melanie V. Partsch, Christoph J. Kemper & Beatrice Rammstedt (2019). An English-Language Adaptation of the Social Desirability–Gamma Short Scale (KSE-G). Measurement Instruments for the Social Sciences, (2), 1-10. https://doi.org/10.1186/s42409-018-0005-1
[8] Kemper, Christoph J., C. Beierlein, D. Bensch, Kovaleva, D. & Beatrice Rammstedt (2012). Social Desirability Measure. [Database record]. Retrieved from PsycTESTS. doi: https://dx.doi.org/10.1037/t66957-000
Tags
Niveau interpersonnel, Niveau intergroupes, Besoin d'estime de soi, Besoin d'appartenance sociale
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Auteur-e
Christina Popescu est doctorante en psychologie à l’Université du Québec à Montréal. Elle est affiliée au Laboratoire CIEL (Culture, Identité et Langue).
Comment citer cette entrée
Popescu, C. (2021). Biais de désirabilité sociale. Dans E. Gagnon-St-Pierre, C. Gratton & E. Muszynski (Eds). Raccourcis : Guide pratique des biais cognitifs Vol. 3. En ligne : www.shortcogs.com
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