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Biais de l'homogénéité de l'exogroupe

« J’ai tendance à sous-estimer les différences qui existent entre les membres d’un groupe dont je ne fais pas partie. »

Définition

Le biais de l’homogénéité de l’exogroupe décrit la tendance qu’ont les êtres humains à croire que les membres de groupes dont ils ne font pas partie (exogroupes) sont très similaires les un-es aux autres, que ces personnes sont principalement caractérisées par des traits stéréotypés et ont une vie émotionnelle pauvre et simple [1], alors que nous considérons les membres de groupes dont nous faisons partie (endogroupes) comme étant diversifiés. La représentation de l’exogroupe est simplifiée de façon à nous permettre de le traiter comme un tout et à ignorer les caractéristiques individuelles qui distinguent ses membres, ce qui nous demande moins d’énergie cognitive.


Bien que la recherche se soit spécialement intéressée à ce biais dans le cas des groupes racisés, le biais s’exprime dans toutes les relations endo-exogroupes. Cela dit, il ne s’exprime pas toujours avec la même force. Le phénomène semble prendre de l’ampleur lorsque les interactions interpersonnelles avec les membres de l’exogroupe sont peu fréquentes [2].

Exemple

Dans bien des cas, l’emploi que nous occupons nous lie à un certain endogroupe et place les personnes qui n’occupent pas le même emploi que nous dans un exogroupe. Conséquemment, nous avons souvent tendance à considérer que les personnes qui occupent une même profession (différente de la nôtre) sont toutes similaires les unes aux autres, les réduisant au stéréotype qui est associé à leur emploi. Par exemple, si nous ne sommes pas comptables, il est possible que nous jugions qu’une personne que nous associons au groupe des comptables soit ennuyante sans tenir compte de ses caractéristiques individuelles ou sans chercher à en apprendre plus sur la personne.

Explication

Nos ressources cognitives (notre capacité à percevoir notre environnement, à traiter de l’information, à raisonner, à se concentrer, etc.) sont limitées. Nous devons donc les allouer de façon à pouvoir fonctionner le mieux possible dans notre environnement. Il est beaucoup plus coûteux cognitivement de considérer un groupe comme étant composé de personnes différentes les unes des autres que de considérer le groupe comme étant homogène, puisque cela oblige le traitement de beaucoup plus d’informations. Or, les interactions interpersonnelles les plus importantes dans notre vie (choix d’un-e partenaire sexuel-le, échanges de biens et de services, négociation des rapports de force, etc.) se déroulent majoritairement à l’intérieur de nos groupes d’appartenance (endogroupes). Il est donc raisonnable d’allouer une grande part de nos ressources cognitives à ce type d’interactions. En revanche, les interactions avec des membres de nos exogroupes sont relativement rares et ont tendance à se dérouler dans des contextes où le groupe auquel appartient autrui prend plus d’importance dans notre esprit que l’interaction interpersonnelle (comme lorsqu’on fait appel à un-e comptable pour faire nos impôts ou lorsqu’un-e fan des Canadiens de Montréal rencontre un-e fan des Bruins de Boston). D’un point de vue d’allocation des ressources cognitives, le coût cognitif requis pour concevoir l’exogroupe comme étant composé de personnes complexes et différentes les unes des autres est trop élevé pour être compensé par les bénéfices que nous en retirons [3].

Conséquences

Ce biais est lié à de nombreuses conséquences sur la perception et la persistance de stéréotypes. En voici trois exemples. D’abord, indépendamment des préjugés raciaux, lorsque ce biais s’exprime entre des groupes racisés différents, il mène à un taux d’acceptation plus élevé des privilèges ou des inégalités raciales que vit l’exogroupe. Cela peut également mener à une diminution de l’intérêt à interagir ou à créer des amitiés avec des membres de groupes racisés différents du nôtre [4]. Ces conséquences sont entre autres attribuables au fait que le biais de l’homogénéité de l’exogroupe nous porte à croire que les privilèges ou les injustices vécus par l’exogroupe sont ancrés dans la biologie des membres de l’exogroupe et sont donc mérités. Ensuite, ce biais peut réduire l’empathie que nous éprouvons à l’égard de personnes qui font partie de l’exogroupe. Cette diminution de l’empathie a été mesurée lors d’études qui ont démontré que notre réaction physiologique est plus faible lorsque nous voyons une main qui appartient à un-e membre d’un groupe racisé différent du nôtre se faire piquer par une aiguille qu’elle ne l’est lorsque la main appartient à un-e membre de notre propre groupe racisé [1]. Finalement, ce biais peut faire en sorte que nous ayons moins de facilité à reconnaitre les visages de membres d’un exogroupe. Cela a des conséquences pratiques négatives sur le travail policier puisqu’il rend l’identification de criminel-les par témoin oculaire moins fiable lorsqu’ils appartiennent à un exogroupe [3].

Pistes de réflexion pour agir à la lumière de ce biais

  • Exposer une personne à du contenu qui montre que les traits stéréotypés attribués à l’exogroupe ne sont pas ancrés dans sa biologie [4].

  • S’efforcer d’adopter et de maintenir activement une attitude positive à l’égard des membres de nos exogroupes. Cela nous rend plus disposé-es à considérer que nous partageons certaines facettes identitaires avec ces personnes et à considérer que nous faisons toutes et tous partie d’un grand groupe qui est simplement sous-divisé par la suite [5].

Comment mesure-t-on ce biais?

Plusieurs méthodes sont utilisées pour mesurer le biais d’homogénéité de l’exogroupe dans un contexte expérimental. L’une de ces méthodes consiste à demander aux participant-es d’évaluer jusqu’à quel point les membres de différents groupes possèdent un trait de personnalité donné. Par exemple, les participant-es doivent positionner 100 femmes fictives et 100 hommes fictifs à une plus ou moins grande distance d’un trait comme l’affirmation de soi, selon le degré auquel la personne correspond au trait selon eux. Ensuite, les résultats sont interprétés à l’aide d’un outil statistique qui s’appelle la dispersion. Plus la dispersion de l’exogroupe autour du trait donné est grande (en d’autres mots, si les participant-es ont placé les membres fictifs de l’exogroupe un peu partout autour du trait à des distances variables), moins le biais est présent. À l’inverse, si la dispersion est concentrée au même endroit sur l’échelle (en d’autres mots, si presque tous les membres de l’exogroupe sont placés à la même distance du trait), alors le biais d’homogénéité de l’exogroupe est présent [2].

Ce biais est discuté dans la littérature scientifique :

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Ce biais a des répercussions au niveau individuel ou social :

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Ce biais est démontré scientifiquement :

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Références

[1] Sapolsky, Robert M. (2017). Behave: The Biology of Humans at Our Best and Worst. Penguin Press.


[2] Park, Bernadette & Charles M. Judd (1990). Measures and models of perceived group variability. Journal of Personality and Social Psychology 59(2): 173–191.


[3] Ackerman, Joshua M., Jenessa R. Shapiro, Steven L. Neuberg, Douglas T. Kenrick, D. Vaughn Becker, Vladas Griskevicius, Jon K. Maner & Mark Schaller (2006). They all look the same to me (Unless they’re angry): From out-group homogeneity to out-group heterogeneity. Psychological Science 17(10): 836–40.


[4] Williams, Melissa J. & Jennifer L. Eberhardt (2008). Biological conceptions of race and the motivation to cross racial boundaries. Journal of Personality and Social Psychology 94(6): 1033–1047.


[5] Johnson, Kareem J. & Barbara L. Fredrickson (2005). We all look the same to me’: Positive emotions eliminate the own-race bias in face recognition. Psychological Science16(11): 875–81.

Tags

Niveau intergroupes, Heuristique de représentativité, Heuristique de disponibilité, Besoin d'estime de soi, Besoin de fermeture cognitive, Besoin d'appartenance sociale, Besoin de sécurité

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Auteur-e

Andréanne Veillette est candidate au doctorat en Éthique et affaires publiques à l’Université de Carleton. Elle est membre de la Chaire de recherche du Canada en épistémologie pratique et de la Chaire de recherche du Canada sur l’agentivité et l’injustice épistémiques.

Comment citer cette entrée

Veillette, A. (2021). Biais d’homogénéité de l’exogroupe. Dans E. Gagnon-St-Pierre, C. Gratton, & E. Muszynski (Eds). Raccourcis : Guide pratique des biais cognitifs Vol. 3. En ligne : www.shortcogs.com

Écrivez-nous à shortcogs@gmail.com

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