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L'autohandicap

« Si je me mets un obstacle avant d’effectuer une tâche difficile, je serai gagnant-e peu importe si j’échoue ou réussis. »

Définition

L’autohandicap est une stratégie inconsciente utilisée afin de nous protéger ou d’améliorer notre estime de soi. Il peut se présenter sous deux formes, soit de manière revendiquée ou comportementale [1]. L’autohandicap revendiqué consiste à exprimer verbalement la présence d’un obstacle avant même d’effectuer une tâche précise. L’autohandicap comportemental est l’action d’entraver sa propre réussite en se créant un obstacle, et ce, avant de commencer ladite tâche [1]. Cette stratégie nous sécurise, car peu importe le scénario final, nous sommes gagnant-es. D’une part, en attribuant inconsciemment la cause de l’échec à l’obstacle revendiqué ou créé, nous sommes rassuré-es, car nous pouvons nous déresponsabiliser. D’autre part, en cas de succès, nous sommes valorisé-es, car nous pouvons attribuer notre réussite à nos habiletés malgré la difficulté présente [2]. Ce biais serait présent chez la population générale, mais se retrouverait surtout chez les personnes ayant une plus faible estime de soi [1].

Exemple

Lors de son dernier cours d’éducation physique de l’année, un élève du secondaire doit courir trois kilomètres. Toutefois, celui-ci croit qu’il n’est pas très habile en course et il n’a pas confiance en sa réussite, ce qui le rend très anxieux. Ainsi, afin de protéger son estime de soi, l’élève mentionne aux autres étudiant-es, et ce, avant de commencer, qu’il est possible qu’il ne soit pas capable de terminer la course, car il n’a pas déjeuné le matin même.

Explication

Ce biais serait principalement causé par une faible estime de soi. Dans une situation où les résultats sont incertains, la possibilité d’un échec peut sembler menaçante, ce qui peut mener à un besoin de protéger son estime de soi. Ainsi, certaines personnes utilisent inconsciemment l’autohandicap comme une stratégie de protection, leur offrant une solution simple et rapide. En mettant de l’avant un obstacle, la personne justifie sa performance insatisfaisante autrement que par des lacunes dans ses habiletés personnelles.


Toutefois, en évitant de s'exposer à l'anxiété générée par la possibilité d'un échec, la personne prend le risque de se retrouver dans un cercle vicieux. L’obstacle mis de l’avant permet de se soustraire à la peur d'échouer ou d'être jugé, mais il ne permet pas à l'individu d'aller au-delà de cette anxiété. Ainsi, la personne devient davantage susceptible d'utiliser l'autohandicap lors de la prochaine situation anxiogène. Une personne qui ne fait pas d’autohandicap développe une meilleure compréhension de ses échecs et succès en se les attribuant à soi-même ce qui lui permet d’être davantage certaine de ses performances futures. Ainsi, la personne ayant régulièrement recours à l’autohandicap ne se sentira pas en contrôle ni en confiance de ses capacités [1].

Conséquences

L’autohandicap permet peut-être l’évitement immédiat d’une menace à l’estime, mais à long terme, il s’avère négatif. L’utilisation répétée de l’autohandicap nuit à une potentielle amélioration, car il ne permet pas de s’adapter à la situation menaçante, ce qui mène à de multiples échecs et ainsi, une vision négative de soi s’installe [1, 4]. Remarquant les nombreux obstacles mis fréquemment de l’avant par la personne, ses pairs peuvent développer une vision plus négative de ses habiletés et de ses caractéristiques générales. À la longue, la personne devient en quelque sorte attachée à son handicap, car elle ne sait plus faire la distinction entre l’obstacle qu’elle met de l’avant et ses vraies caractéristiques personnelles [3, 4]. Par conséquent, ces échecs répétés peuvent mener à toute une gamme de stratégies d’évitement ou d’impacts concrets, tels qu’un plus haut niveau d’anxiété, une mauvaise humeur constante, de moins bonnes performances académiques ainsi qu’une baisse de motivation [4]. Ainsi, une réduction du bien-être et une détérioration de l’estime de soi impactent la personne dans plusieurs sphères de sa vie ce qui ne fait qu’intensifier l’utilisation de l’autohandicap pour se protéger [1].

Pistes de réflexion pour agir à la lumière de ce biais

  • Travailler son estime de soi, en s’efforçant de faire une distinction entre ses succès, échecs et compétences dans un domaine et sa valeur personnelle globale. Ce travail peut permettre de comprendre que nos compétences dans une situation particulière ne définissent pas notre valeur en tant qu’individu et que nous avons tous nos forces et faiblesses [2].

  • Participer à un programme supervisé par un-e professionnel-le tel qu’un-e psychologue afin de réaliser son potentiel de réussite et ainsi internaliser ses succès [3].

Comment mesure-t-on ce biais?

L’outil le plus utilisé pour mesurer l’autohandicap est l’Échelle d’autohandicap développée par Jones et Rhodewalt [1]. Il s’agit d’un questionnaire dans lequel se retrouvent 25 énoncés permettant de mesurer une grande variété de comportements d’autohandicap présents chez les participant-es. L’individu doit coter à quel point il émet un comportement présenté sous forme d’énoncé tel que « j’ai tendance à remettre les choses à la dernière minute ». Plus une personne obtient un score élevé sur cette échelle, plus la personne possède une tendance à utiliser l’autohandicap lors d’une situation représentant une menace pour l’estime de soi. Cette échelle permet donc de repérer l’existence de ce biais chez un individu [1].

Ce biais est discuté dans la littérature scientifique :

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Ce biais a des répercussions au niveau individuel ou social :

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Ce biais est démontré scientifiquement :

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Références

[1] Zuckerman, Miron, Suzanne C. Kieffer, & C. Raymond Knee (1998). Consequences of self-handicapping: Effects on coping, academic performance, and adjustment. Journal of Personality and Social Psychology 74(6): 1619-1628.


[2] Thompson, Ted, & Anna Richardson (2001). Self-handicapping status, claimed self-handicaps and reduced practice effort following success and failure feedback. British Journal of Educational Psychology 71(1): 151-170.


[3] Finez, Lucie, & David K. Sherman (2012). Train in vain: the role of the self in claimed self-handicapping strategies. J Sport Exerc Psychol 34(5): 600-620.


[4] Zuckerman, Miron, & Fen-Fang, Tsai (2005). Costs of self-handicapping. Journal of Personality 73(2): 411-442.

Tags

Besoin d'estime de soi, Niveau interpersonnel

Biais reliés

Auteur-e

Marika Limoges, Étudiante au baccalauréat en psychologie, Université de Montréal.

Comment citer cette entrée

Limoges, M. (2022). L’autohandicap. Dans G. Béghin, E. Gagnon-St-Pierre, C. Gratton, & E. Muszynski (Eds). Raccourcis : Guide pratique des biais cognitifs Vol. 5. En ligne : www.shortcogs.com

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