L'indifférence aux plantes
« Je ne remarque pas et ne reconnais pas l’importance des plantes autour de moi. Je pense qu’elles sont inférieures aux animaux. »
Définition
L’indifférence aux plantes réfère à notre incapacité à remarquer les plantes dans notre environnement, à reconnaitre leur importance dans notre écosystème. Cette indifférence correspond souvent à la croyance qu’elles sont inférieures aux animaux [1]. Le biais de l’indifférence aux plantes est d’ailleurs souvent étudié dans ce contexte : en mettant en lumière le fait que l’on considère moins les plantes que les animaux. Ce biais cognitif peut être considéré comme spéculatif, car il n’a pas souvent été suffisamment vérifié par des recherches expérimentales.
Ce biais serait plus faible chez certaines cultures. Par exemple, chez certaines populations autochtones, notamment en Australie et en Amérique du nord, beaucoup d’individus ont un lien plus fort et non hiérarchique avec les plantes [4], ce qui diminue potentiellement la force de ce biais.
Exemple
Les pissenlits ont une place importante dans notre écosystème. Elles sont une des sources principales de nourriture pour les insectes polinisateurs, et participent grandement à la production de miel et à la survie de ces insectes. L’espèce humaine étant lié à celles des insectes polinisateurs, nous sommes aussi liés aux pissenlits. Cependant, nous les considérons comme des mauvaises herbes et nous faisons notre possible pour les éliminer de nos jardins. Nous jugeons leur esthétique et nous ne reconnaissons pas leur utilité au sein de notre écosystème.
Explication
Tout d’abord, il est difficile de distinguer les plantes dans notre champ de vision. Elles ne bougent pas, ont des couleurs majoritairement uniformes et sont souvent très rapprochées les unes des autres [1]. Nous les percevons différemment des animaux, de sorte que nous avons plus de difficulté à les remarquer dans notre environnement [3]. À l’époque de nos ancêtres chasseurs-cueilleurs, il aurait été plus utile de porter attention et de percevoir facilement les animaux, pour se protéger contre un danger ou pour les chasser. Selon cette explication évolutionniste, notre perception plus rapide et facile des animaux pourrait s’expliquer par le fait qu’il était plus adaptatif pour notre survie de pouvoir mieux distinguer les animaux que les plantes [4]. Les humains qui étaient meilleurs pour percevoir les animaux avaient de meilleures chances de survie, et donc de plus grandes chances de procréer et de transmettre leurs gènes à la génération suivante.
De plus, des explications culturelles et sociales peuvent compléter ces hypothèses adaptatives. Par exemple, dès notre plus jeune âge, notre éducation se concentre fortement sur les animaux. Cette préférence de l’étude des animaux au détriment des plantes peut être nommée « zoochauvinisme » [2].
Conséquences
Le monde subit maintenant une forte et rapide déforestation depuis plusieurs décennies, ce qui entraine une très grande perte de diversité des plantes. Cette perte participe à l’importante émission de gaz à effet de serre et donc au réchauffement climatique [5]. Protéger notre environnement et les plantes représente donc une urgence écologique mondiale. En ignorant leur présence et leur importance dans notre écosystème, nous négligerons l’importance de les protéger. L’indifférence aux plantes peut donc entrainer des conséquences désastreuses, en nous empêchant de réaliser la nécessité de les préserver.
Pistes de réflexion pour agir à la lumière de ce biais
Il est important de donner plus de place à l’étude des plantes dans les milieux d’éducation, mais ce n’est pas suffisant. Il est nécessaire d’apprendre les mécanismes et les implications culturelles (non-reconnaissance de l’utilité des plantes et croyance de la supériorité des animaux sur les plantes) et psychologiques (perception différenciée entre animaux/plantes) du biais de l’indifférence aux plantes [3].
Nous avons besoin d’être au contact de la nature afin de développer notre compréhension du monde des plantes. Des programmes d’éducation extérieurs ont eu une influence positive sur l’appréciation des plantes par les élèves [5]. Il serait donc bénéfique de créer des programmes scolaires qui faciliteraient le contact avec la nature et la biodiversité.
Il faut mettre en avant les similarités, que ce soit à l’attention des élèves et du public général, entre les plantes et les humains (être en vie, mouvements intentionnels, procréation, etc.). En effet, chez les groupes sociaux qui ont une relation forte avec les plantes, cette relation se crée souvent par le biais des points communs entre humain et plantes [4].
Comment mesure-t-on ce biais?
Le biais d’indifférence aux plantes est mesuré de plusieurs façons par les chercheur-es. Le test de détection des images est une manière souvent utilisée pour mesurer ce biais. Une séquence d’images est présentée aux participant-es, représentant des animaux ou des plantes. Après une tâche de distraction, on présente à nouveau une séquence d’images aux participant-es, qui doivent identifier parmi cette nouvelle séquence les images qu’ils ont précédemment vues. Si les images d’animaux sont significativement plus rappelées que celles des plantes, cela suggère que le biais d’indifférence aux plantes est possiblement en action [4].
Ce biais est discuté dans la littérature scientifique :
Ce biais a des répercussions au niveau individuel ou social :
Ce biais est démontré scientifiquement :
Références
[1] James H. Wandersee & Elisabeth E. Schussler (1999). Preventing plant blindness. The American Biology Teacher, 61(2), 82-86.
[2] David R. Hershey (1996). A historical perspective on problems in botany teaching. The American Biology Teacher, 58(6), 340-347.
[3] Benjamin Balas & Jennifer L. Momsen (2014). Attention "blinks" differently for plants and animals. CBE-Life Sciences Education, 13(3), 437-443.
[4] Mung Balding & Kathryn Williams (2016). Plant blindness and the implications for plant conservation. Conservation Biology, 30(6), 1192-1199.
[5] Jana Fančovičová & Pavol Prokop (2011). Plants have a chance: outdoor educational programs alter students’ knowledge and attitudes towards plants. Environmental Education Research, 17(4), 537-551.
Tags
Niveau individuel, Heuristique de représentativité, Besoin de fermeture cognitive
Biais reliés
Zoocentrisme
Zoochauvinisme
Synonymes du biais
Cécité botanique
Auteur-e
Louison Gros, Licence de psychologie, Université Savoie-Mont-Blanc.
Comment citer cette entrée
Gros, L. (2021). L’indifférence aux plantes. Dans E. Gagnon-St-Pierre, C. Gratton & E. Muszynski (Eds). Raccourcis : Guide pratique des biais cognitifs Vol. 3. En ligne : www.shortcogs.com
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