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Stéréotypes et préjugés

« Les femmes sont douces et maternelles, donc c’est normal qu’elles restent à la maison pour s’occuper des enfants. »

Définition

Nous avons régulièrement besoin de nous former une opinion sur les personnes autour de nous. Cette opinion se base souvent sur des stéréotypes, c’est-à-dire un ensemble de croyances sur les caractéristiques typiques des membres d’un groupe social (p.ex., les femmes, les Américain-es, les comptables). Ce système de croyances est à la fois simpliste, réducteur et très répandu dans des contextes donnés [1]. Lorsque le contenu des stéréotypes est négatif – surtout lorsque dirigé vers un groupe social autre que le nôtre – il s’accompagne typiquement de préjugés. Les préjugés sont des attitudes négatives envers les membres d’un groupe social, et reflètent une réaction affective rigide, généralisée, et non justifiable : nous ressentons ces émotions négatives peu importe la situation et la personne [2]. Ces biais, objets de nombreuses études, sont présents dans la population générale, même si le contenu des stéréotypes et des préjugés varie d’un groupe social à l’autre [3].

Exemple

Ces raccourcis cognitifs et affectifs sont omniprésents. L’élément comique de bien des blagues, telles que « le ciel, c’est le lieu où les Français sont les cuisiniers, les Italiens sont les amants, les Anglais sont les policiers, les Allemands sont les mécaniciens, et le tout est organisé par les Suisses » repose sur des stéréotypes envers ces groupes sociaux. Dans un registre plus sombre, les « ismes » qui affligent nos sociétés (p.ex. sexisme, racisme, antisémitisme, etc.) sont des manifestations de préjugés envers divers groupes sociaux.

Explication

Le monde autour de nous est extrêmement complexe. Ceci nous pousse à utiliser des outils pour simplifier l’excès d’information qui nous bombarde sans cesse, afin de préserver nos ressources cognitives. Les stéréotypes sont des outils cognitifs qui répondent à ce besoin et rendent notre environnement social plus simple, compréhensible et prévisible. En d’autres mots, nous utilisons des stéréotypes parce que c’est moins fatiguant mentalement d’utiliser ces outils que de traiter toutes les nuances qui distinguent les personnes. Cette forme « d’avarice cognitive » [4] contribuerait également au maintien des stéréotypes. Elle nous pousserait à interpréter un cas « atypique » comme une exception à la règle et à la rationaliser pour toutes sortes de raisons externes, plutôt qu’à altérer nos stéréotypes. Les stéréotypes et préjugés sont également véhiculés par les produits culturels qui nous entourent, tels que médias, publicités, jouets, etc. Par exemple, beaucoup de livres pour enfants propagent des stéréotypes de genre en représentant les femmes comme passives, dépendantes et généralement incapables, et les hommes comme actifs, indépendants et généralement compétents.

Conséquences

Le partage de stéréotypes lors d’interactions sociales contribue à rendre ces interactions plus fluides et nous aiderait à nous sentir plus proche des personnes partageant ces stéréotypes. En dehors de cet effet de « colle sociale », les stéréotypes et les préjugés ont généralement des effets néfastes. Ils façonnent et simplifient à outrance notre perception de la réalité, nous prédisposant à des comportements négatifs envers les membres de certains groupes sociaux. En d’autres mots, stéréotypes et préjudices peuvent facilement engendrer de la discrimination. Ces biais nous mènent également à rationaliser l’ordre social existant (p.ex. le biais voulant que les Autochtones soient violent-es mène à croire que c’est normal qu’ils-elles soient sur-représenté-es dans le milieu carcéral). Poussés plus loin, ces mécanismes de discrimination et de rationalisation peuvent mener à la déshumanisation des membres de certains groupes sociaux, un mécanisme couramment utilisé pour justifier les génocides. Les stéréotypes peuvent aussi entraîner une sorte de prophétie auto-réalisatrice, via l’effet de « menace du stéréotype » [5]. Les membres d’un groupe visé par un stéréotype ont peur de confirmer le stéréotype (p.ex. les filles sont mauvaises en math), et l’insécurité ainsi générée nuit à leur performance. Cet effet pourrait contribuer aux inégalités observées entre certains groupes sociaux.

Pistes de réflexion pour agir à la lumière de ce biais

  • Avoir conscience de notre tendance à recourir aux stéréotypes et préjugés pour nous former une opinion sur une personne.

  • Entrer en contact direct avec des membres du groupe social envers lequel nous entretenons des stéréotypes et préjugés.

  • Lorsque nous donnons de l’information sur une personne, ne pas nous en tenir aux étiquettes sociales souvent associées à des stéréotypes (p.ex., c’est un Chinois); ajouter de l’information sans lien avec les stéréotypes (p.ex., il a de l’expérience en marketing).

Comment mesure-t-on ce biais?

Les chercheur-ses mesurent souvent les préjugés et les stéréotypes de manière explicite, via des questionnaires auto-rapportés. Par exemple, le « thermomètre des sentiments » est couramment utilisé pour mesurer les préjugés : il s’agit d’évaluer dans quelle mesure on entretient des sentiments chaleureux et positifs ou froids et négatifs envers les membres d’un groupe social. Dans le cas des stéréotypes, il est courant de présenter une liste de traits (p.ex. poli, paresseux) aux participant-es, qui doivent indiquer dans quelle mesure chaque attribut caractérise un groupe social cible. Les mesures implicites représentent une autre gamme d’outils. On y retrouve des mesures physiologiques telles que l’électromyographie faciale ou bien des tests tels que le « Implicit Association Test ». Dans le cas de ces derniers, on infère les préjugés d’une personne, typiquement à partir de son temps de réaction à certaines tâches (p.ex. associer une image à un mot) effectuées dans différentes conditions.

Ce biais est discuté dans la littérature scientifique :

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Ce biais a des répercussions au niveau individuel ou social :

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Ce biais est démontré scientifiquement :

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Références

[1] Tajfel, Henri (2001). Social stereotypes and social groups. In M. A. Hogg & D. Abrams (Eds.), Key readings in social psychology. Intergroup relations: Essential readings (p. 132–145). Psychology Press.


[2] Allport, Gordon (1954). The nature of prejudice. Addison-Wesley.


[3] Fiske, Susan T., Amy J. Cuddy, Peter Glick & Jun Xu (2002). A model of (often mixed) stereotype content: competence and warmth respectively follow from perceived status and competition. Journal of personality and social psychology, 82(6), 878.


[4] Fiske, Susan T. & Shelley E. Taylor (1984) Social cognition. Random House.


[5] Spencer, Steven J., Christine Logel & Paul G. Davies (2016). Stereotype threat. Annual Review of Psychology, 67(1) : 415-437.

Tags

Niveau intergroupes, Heuristique de représentativité, Besoin de fermeture cognitive, Besoin d'appartenance sociale

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Auteur-e

Marina M. Doucerain est professeure adjointe en psychologie sociale et culturelle à l’université du Québec à Montréal, QC, Canada, où elle dirige le laboratoire de recherche Culture Identité et Langue (ciel.uqam.ca). Ses travaux de recherche portent sur les mécanismes sociaux – interactions sociales et réseaux sociaux en particulier – aidant les gens à bien fonctionner dans un nouveau groupe social ou culturel. Elle se concentre principalement sur les changements que vivent les personnes issues de l’immigration lorsqu’elles s’établissent dans une nouvelle société, avec la profonde conviction que si l’on comprend mieux ces changements, il sera possible de mieux aider les gens à les traverser.

Comment citer cette entrée

Doucerain, Marina M. (2020). Stéréotypes et préjugés. Dans E. Gagnon-St-Pierre, C. Gratton & E. Muszynski (Eds). Raccourcis : Guide pratique des biais cognitifs Vol. 2. En ligne : www.shortcogs.com


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